L’article 265 C. civ. et la clause d’exclusion des biens professionnels : ne pas se tromper de combat !

Nicolas Duchange
15 février 2024
Concernant la proposition de loi visant à assurer « une justice patrimoniale au sein de la famille », un amendement a été voté par l’Assemblée nationale pour modifier l’article 265 du Code civil :

« La clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation ne constitue pas un avantage matrimonial qui est révoqué de plein droit en cas de divorce. »

Cet amendement part d’une bonne intention : préserver l’efficacité des clauses visant à limiter la participation en cas de divorce, et donc préserver l’intérêt du régime de la participation aux acquêts, ce « régime des chefs d’entreprise ».

Mais la formulation votée est aberrante : elle conduirait à inscrire dans le Code civil une clause condamnée par la doctrine notariale dès 1993.

Car cette clause, imaginée pour limiter la dette de participation de l’époux détenant des biens professionnels (biens difficiles à évaluer et délicats à vendre) peut vicieusement conduire à augmenter celle due par le conjoint (quand les biens non professionnels de celui-ci sont plus importants).

Indéniablement, la rédaction actuelle de l’article 265 du Code civil, effectuée au regard des seuls régimes de communauté, pose de graves difficultés d’application au régime de la participation aux acquêts. Une modification de ce texte est donc souhaitable, mais en s’y prenant autrement.

Deux voies peuvent être proposées :

Première possibilité : modifier l’article 265 en revenant au texte qui avait été proposé en 2003 par le Garde des Sceaux, en tenant compte des apports de 2006 et 2016

L’article 265 du Code civil serait alors ainsi révisé :

Art. 265 . – « Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui ne sont pas subordonnés au prédécès de l'un des époux et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme.

Le divorce emporte révocation de plein droit de toutes les dispositions à cause de mort, y compris les avantages matrimoniaux, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union, sauf volonté contraire de l'époux qui les a consenties. Cette volonté est constatée dans la convention signée par les époux et contresignée par les avocat ou par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocable l’avantage ou la disposition maintenus.

Toutefois, si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu’ils auront apportés à la communauté ou inclus dans les acquêts de participation. »

Cette solution a nettement ma préférence pour deux raisons :

1°) elle correspond au texte qui aurait permis d’éviter les embarras actuels ;

2°) elle évite de mentionner des clauses particulières pour s’en tenir à la généralité des mécanismes.

Seconde possibilité : rectifier l’amendement en mentionnant toutes les clauses ajustant la participation en cas de divorce (mais certes pas la clause d’exclusion) :

L’article 265 du Code civil serait alors complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toute clause plafonnant ou minorant le montant d’une créance de participation ne constitue pas un avantage matrimonial qui est révoqué de plein droit en cas de divorce. »

Cette solution alternative mérite également l’attention. Elle souligne heureusement que toute clause qui diminue une créance de participation, c’est-à-dire qui diminue un avantage matrimonial, ne peut être en elle-même un avantage matrimonial et n’a donc pas à être concernée par l’action en révocation des avantages matrimoniaux.

La balle est actuellement dans le camp du Sénat. Puisse-t-il écarter le texte inadapté voté par l’Assemblée et restaurer la liberté des conventions matrimoniales en confirmant l’originalité et l’autonomie des régimes reposant sur un mécanisme participatif par rapport aux régimes reposant sur une logique communautaire.

 

Références documentaires

1°) La clause d’exclusion des biens professionnels a pris son essor suite à l’article de Me Jean-François Pillebout, Une nouvelle formule de contrat de mariage : participation aux acquêts avec exclusion des biens professionnels : JCP 1987, éd. N, I, p. 79

2°) En raison de ses inconvénients majeurs, j’ai dénoncé cette clause en 1993 : Defrénois 1993, art. 35618

3°) Me Pillebout a aimablement reconnu le bien-fondé de cette critique et nous avons publié ensemble « Un correctif nécessaire » JCP N 1995, I, p. 487

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