La clause d’imputation sur la réserve globale, une hérésie facile à subvertir

Notaire spécialisé liquidation succession complexe
16 janvier 2024
Sujet technique s’il en est, l’imputation sur la réserve globale a suscité de nombreuses discussions. Ce n’est guère surprenant si l’on admet comme Confucius qu’une mauvaise dénomination est source de malheur.

L'article 919-1 (anciennement 864) du Code civil édicte que " La donation faite en avancement de part successorale à un héritier réservataire qui accepte la succession s'impute sur sa part de réserve et, subsidiairement, sur la quotité disponible, s'il n'en a pas été autrement convenu dans l'acte de donation. L'excédent est sujet à réduction."

Une doctrine ancienne qualifie cette "autre convention" de "clause d'imputation sur la réserve globale", semblant ainsi permettre l'imputation de l'excédent de libéralité sur les parts de réserve des cohéritiers du gratifié.

Or, l'imputation d'une libéralité ayant uniquement pour objet de déterminer le seuil des actions en réduction pouvant la concerner, admettre une imputation sur la part de réserve des cohéritiers du gratifié reviendrait tout simplement à interdire toute réduction, en contradiction avec l'objet même du mécanisme de l'imputation.
Et prétendre ne réduire l'excédent de libéralité qu'une fois consommée la réserve globale consisterait à n’enclencher l'action en réduction que pour une atteinte à la quotité disponible ! ce qui serait également un non-sens.

C'est pourquoi d'éminents auteurs précisent que l'imputation sur la réserve globale donnerait lieu à "une réduction précoce" puisque, pour maintenir la protection des cohéritiers réservataires, la libéralité serait "réductible pour la partie s'imputant sur la réserve des cohéritiers." Or, si elle sauve les droits des héritiers réservataires, cette précision ne sauve pas la technique de l'imputation sur la réserve globale: pourquoi imputer encore si l'on connaît déjà le seuil de déclanchement de l'action en réduction ?

La convention contraire prévue par l'article 919-1 du Code civil ne peut donc consister qu'en un cantonnement de l'imputation sur la part de réserve du gratifié. Ce cantonnement permet de répondre aux deux objectifs visés par la loi : la non consommation de la quotité disponible par une libéralité rapportable (notamment pour ménager les droits en pleine propriété du conjoint survivant) et la protection des cohéritiers réservataires.
 

Exit donc la clause d’imputation sur la réserve globale, incompréhensible pour tout étudiant en droit qui s’attache à faire vivre les mécanismes enseignés.
 

Et vive la clause de cantonnement sur la réserve du gratifié, qui dit en peu de mots l’effet qu’elle produit tout en respectant le mécanisme de l’imputation des libéralités sur la masse de calcul de la quotité disponible.

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