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La Semaine Juridique, édition notariale et immobilière

Plafonner la créance de participation en fonction de la valeur de la dernière résidence principale

JCP éd. N, 23 septembre 2019, n°39, 1282, par Nicolas Duchange

Une société d’acquêts limitée à la résidence principale pose de nombreuses difficultés. Privée de ressources et gage des créanciers ordinaires des époux, elle répond mal à l’attente d’une collaboration sécurisée concernant le foyer.

Régime liquidatif, la régime matrimonial - participation aux acquêts protège mieux les époux tout en respectant les droits des tiers. Elle permet de tenir compte non seulement des évolutions patrimoniales en cours d’union mais aussi d’une collaboration des époux antérieure au mariage.

Extrait révélateur du contenu de l'article

I – Rappel des difficultés suscitées par une société d’acquêts limitée à la résidence principale

1. Sauf lorqu’elle est établie tardivement, dans le cadre d’un ajustement de régime matrimonial, une société d’acquêts limitée à la résidence principale appelle des réserves quant à son équilibre, quant à son financement, quant à son adaptabilité, voire quant à son opportunité.  [...]

2 – Quant à son financement

4. Observons ensuite que le régime légal s’inquiète prioritairement des ressources de la communauté, d’où son nom même de communauté d’acquêts. Bâtir au contraire un régime autour de la propriété d’un bien revient à placer la charrue avant les bœufs, à penser à la propriété sans envisager son financement. Inéluctablement la question des ressources de cette société d’acquêts limitée finit par surgir à nouveau.

5. La réponse la plus logique, pour constituer une société limitée à un bien, est de prévoir l’apport à la société d’acquêts du logement ou du capital nécessaire au financement de son acquisition. On se trouve alors bien davantage en présence d’une « société d’apports » que d’une société d’acquêts. Cet apport pourra intervenir avec ou sans la contrepartie d’une récompense. L’absence de récompense donnera naissance à un avantage matrimonial retranchable (mais non révocable car constitutif) ; la présence d’une récompense limitera grandement l’intérêt de la société d’acquêts : même s’il bénéficiait d’une attribution intégrale dans le cadre d’une dissolution par décès, le conjoint de l’apporteur devrait une récompense également intégrale…

6. La seconde réponse consiste à affecter temporairement une partie des ressources des époux au financement de l’immeuble acquêt. Elle est parfois ainsi formulée : « Cette société d’acquêts comprendra : 1°) Les biens et droits acquis durant le régime avec leurs gains et salaires ou les revenus de leurs biens propres et par lesquels seront assurés, au jour de la liquidation du régime, le logement de la famille et les meubles meublants garnissant ce logement à la même époque. […] »

Cette formulation pose notamment des difficultés d’interprétation :

  • 1°) Soit elle sous-entend que ces revenus vont venir abonder progressivement et dès le mariage la masse commune. On se trouve alors en présence ou d’une société d’acquêts ordinaire ayant vocation à recevoir tous les revenus du ménage, ou d’une société d’acquêts singulière qui perdrait sa vocation à recevoir les revenus du ménage une fois que la résidence principale aura été payée – mais qui la retrouverait en cas d’extension ou de déménagement.
  • 2°) Soit elle suppose que ces ressources ne peuvent être ainsi affectées à la société d’acquêts qu’une fois l’acquisition décidée : les époux se trouvent alors contraints d’emprunter la totalité des fonds nécessaires au financement du prix et des frais d’acte faute d’économies acquêts antérieures. Puis d’emprunter à nouveau en cas de relogement dans un bien de valeur supérieure.
  • 3°) Soit elle implique que des « gains et salaires ou revenus de leurs biens propres » puissent avoir été économisés en vue de cet achat mais avant celui-ci, et on se trouvera en présence d’un régime improbable dans lequel figureront des acquêts potentiels (à individualiser, et à protéger par une présomption ?) qui ne le deviendront effectivement qu’une fois signé l’achat du logement de la famille. En quelque sorte des acquêts zombis surgissant d’outre communauté uniquement en cas d’achat du logement familial. Il faudrait alors, ce dont les formules diffusées ne paraissent pas se soucier, créer au sein des patrimoines personnels de chacun des époux, une distinction entre des biens « personnels originaires » et des biens « personnels acquêts », ces derniers pouvant servir, mais seulement en cas d’achat, à contribuer au financement de la résidence principale au sein d’une société d’acquêts qui ne devra pas de récompense aux époux à hauteur de leurs apports en « biens personnels acquêts », mais leur en devra une à hauteur de leurs apports en « biens personnels originaires ».

Bel amour celui qui résistera à ce mélange des complexités de tous les régimes. [...]