Bail professionnel et bail commercial : la frontière se ferme au bout de deux ans

Clément Martinage
15 février 2024
La question n’est pas nouvelle mais mérite l’attention : lors de la régularisation d’un bail professionnel, la qualification de l’activité exercée par le preneur est déterminante.

En effet, il convient souvent de choisir entre deux régimes d’ordre public :

  • Celui de l’article 57 A de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 relatif au bail professionnel (activité exclusivement professionnelle du preneur ; durée du bail au moins égale à six ans ; reconduction tacite de six ans en six ans ; preneur pouvant à tout moment notifier son intention de quitter les locaux en respectant un préavis de six mois) ;
  • Celui des articles L 145-1 et suivants du Code de commerce relatifs au bail commercial (durée du bail au moins égale à neuf ans ; preneur ne pouvant notifier son intention de quitter les locaux que par périodes triennales ; indemnité due au preneur en cas de congé donné par le bailleur).

En pratique, les sources de confusion sont nombreuses :

  • L’activité exercée par le preneur peut être difficile à qualifier ou avoir évolué en cours de bail ;
  • Il est possible de soumettre au statut des baux commerciaux la location d’un local à un professionnel non commerçant (qui ne bénéficiera cependant pas de la propriété commerciale) ;
  • l' article L. 145-5 du Code de commerce organise un bail dérogatoire, par lequel des parties ont la possibilité légale de conclure un ou plusieurs baux successifs non soumis aux dispositions du statut des baux commerciaux, mais à condition que la durée totale n'excède pas 3 ans (2 ans sous le régime antérieur à la réforme Pinel).

En présence d’un bail professionnel consenti à une personne exerçant une activité commerciale (donc en contradiction avec les dispositions du bail) il faut avoir en mémoire :

1°) que le bailleur ayant opté pour une qualification erronée encours une requalification du bail professionnel en bail commercial. La jurisprudence en donne de nombreux exemples (V. Cass. 3e civ., 12 . nov. 2020, n° 19-21.170).

2°) mais que toute action en requalification d'un bail professionnel en bail commercial doit être introduite moins de 2 ans après la date d'effet de ce bail ; à défaut, cette action est prescrite en application de l' article L. 145-60 du Code de commerce ( Cass. 3e civ., 14 sept. 2017, n° 16-23.590 : JurisData n° 2017-017637).

3°) que le preneur qui aura laissé passer ce délai d’action ne pourra pas arguer avoir exercé dans les lieux loués une activité commerciale depuis plus de trois ans pour prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux, à l’instar de ce qui se serait passé en cas d’application des dispositions du bail dérogatoire de l' article L. 145-5 du Code de commerce.

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