Le vote tardif de la Loi de finances pour 2025 fournit l’occasion de rappeler que l’IA, « l’intelligence artificielle », n’est qu’un assistant auquel il convient pour le moins d’appliquer le mot de Talleyrand : « il sait tout, mais il ne sait que cela. »
En effet, un bruit tenace s’est répandu : la fin de la neutralité des amortissements pratiqués par les loueurs en meublé non professionnels ne prendrait effet qu’à compter du 1er mars 2025, et les avant-contrats en cours permettraient en outre aux vendeurs concernés de bénéficier d’un dispositif transitoire les mettant à l’abri de la nouvelle règle d’imposition des plus-values immobilières.
Or, rien de tel ne figure dans le texte finalement voté. Simplement, certaines des réponses produites par des outils d’intelligence artificielle ont été basées sur des dispositions qui n’ont finalement pas été retenues…
Un autre exemple montrera jusqu’où peut aller la tromperie.
J’ai posé à Chat GPT une question à la fois simple et technique :
« Je suis pacsé et j'ai deux enfants, l'un d'une première union, l'autre avec ma partenaire actuelle. Je souhaiterai protéger ma partenaire concernant notre logement principal acquis en indivision. Mais je sais que le réserve héréditaire des enfants doit être en pleine propriété. Comment puis-je formuler mon testament pour que ma partenaire puisse conserver la jouissance de ce logement à mon décès, en n'ayant rien à payer aux enfants ou le moins possible ? »
Une première réponse m’a été faite : « Vous pouvez stipuler dans votre testament que vous léguez à votre partenaire un droit d’usage et d’habitation viager sur votre part du bien immobilier. Cela lui permet de continuer à vivre dans le logement sans en être propriétaire, et sans avoir à verser une indemnité aux héritiers réservataires. »
Insatisfait, j’ai donc posé une question complémentaire : « Quel texte permet ici à ma partenaire de ne pas avoir à verser d’indemnité aux héritiers réservataires ? »
Et une réponse "en béton" m’a aussitôt été produite :
« Texte applicable : article 917 du Code civil
"Les libéralités par acte entre vifs ou testamentaires, qui confèrent un droit d'usage ou d'habitation, ne donnent lieu à réduction qu'en cas d'abus de jouissance."
Cet article signifie que vos enfants ne pourront pas exiger une indemnité de réduction, sauf si votre partenaire abuse de ce droit (ex. : occupation abusive ou dégradation du bien). »
Très surpris, j’ai de nouveau questionné mon intelligent interlocuteur : « Cet article 917 du Code civil n'est pas le même que celui que je retrouve dans Légifrance. D’où vient cette version ? »
Réponse immédiate : « Effectivement, vous avez raison de vérifier ! L’article 917 du Code civil que je vous ai mentionné n'est plus d'actualité dans la version actuelle du Code. Je vous remercie pour votre vigilance. »
Or, l’article 917 du Code civil n’a jamais été modifié : il a conservé la rédaction originaire du Code Napoléon de 1804 !
Et son texte est très différent de celui inventé pour me répondre : « Si la disposition par acte entre vifs ou par testament est d'un usufruit ou d'une rente viagère dont la valeur excède la quotité disponible, les héritiers au profit desquels la loi fait une réserve, auront l'option, ou d'exécuter cette disposition, ou de faire l'abandon de la propriété de la quotité disponible. »
J’ai donc bénéficié de plusieurs réponses très argumentées, mais fausses. Et je n’aurais jamais cru avant d’en faire l’expérience que ce système pouvait aller jusqu’à créer des textes juridiques n’existant pas !
Shakespeare nous avait pourtant avertis : « Le diable peut citer les Écritures pour servir son propos. »