les codes civils le code général des impôts

La séparation de biens tempérée

Pour tempérer l’individualisme du régime de la séparation de biens, quoi de plus simple qu’un partage des revenus au fil des jours ? Les époux peuvent ainsi bénéficier des avantages d’un régime séparatiste, d’une liberté de gestion à l’abri des créanciers du conjoint, tout en retirant de leur collaboration quotidienne une part ajustée.

Le régime matrimonial qui organiserait un tel partage serait à la fois moins contraignant qu’une communauté, notamment en évitant les embarras de la gestion concurrente ou de la présomption d’acquêts, et plus concret qu’une participation aux acquêts, dont le mécanisme de répartition est différé en fin d’union.[1]

Si cette voie a été peu explorée[2], des évolutions sociétales[3] et juridiques[4] invitent à détailler une formule reposant sur la constitution d’avantages matrimoniaux limités mais immédiats. S’agissant d’une proposition pratique, une présentation sous forme de questions-réponses a été retenue.

A qui s’adresse cette proposition de séparation tempérée ?

Les temps ont changé :

  • les mariages se célèbrent bien souvent passé la trentaine, chacun des futurs époux ayant déjà une activité professionnelle confirmée et une amorce de patrimoine ; voire une expérience de vie commune au cours de laquelle le concubinage ou le pacs maintenaient séparés leurs patrimoine ;
  • la rémunération des femmes et leurs possibilités de carrières se sont rapprochées de celles des hommes, relativisant l’intérêt que la communauté présentait pour elles ;
  • la suppression de la fiscalité successorale entre époux [5] a atténué l’intérêt des clauses de partage inégale de communauté ou de participation ;
  • la divortialité est élevée ;
  • le salariat est souvent remplacé par une activité indépendante, dont l’exploitant souhaite conserver la propriété complète, s’agissant de son outil de travail.[6]

 

C’est pourquoi la demande de contrat de mariage, dans le contexte d’un régime légal de communauté d’acquêts, se tourne davantage vers la séparation de biens que vers des ajustements de la communauté légale[7]. Toutefois retenir la séparation de biens « pure et simple » embarrasse souvent les futurs époux au moment même où ils envisagent de se devoir durablement « secours et assistance ». Une séparation de biens tempérée par le partage des revenus du travail, c’est-à-dire des revenus résultant le plus directement de l’activité des époux, devrait donc rencontrer des marques d’intérêt.

Classiquement, cet équilibre matrimonial aura davantage vocation à être proposé à de futurs époux dont l’un au moins aura un projet professionnel indépendant ou susceptible de le devenir (la valorisation et la conservation de l’outil de travail étant des questions qui restent délicates sous les régimes de communauté ou de participation aux acquêts). Cependant ce nouveau contrat sera plus simple à mettre en œuvre lorsque les époux accepteront d’acquérir leur résidence principale ensemble et par moitiés indivises.

Pourquoi retenir une répartition annuelle des revenus ?

De très nombreuses règles civiles (notamment en droit social ou en droit des sociétés) et fiscales organisent des entretiens, des comptes, des assemblées ou des déclarations annuelles. Il a donc semblé naturel de proposer aux futurs époux de faire le point annuellement, et non pas seulement en fin d’union, sur leurs ressources, leurs dépenses et la répartition des fruits financiers de leur collaboration quotidienne. Un tel bilan annuel pourra paraître inutilement fastidieux à certain. Les arbitrages pécuniaires entre époux, concernant leur train de vie et les modalités de son financement, sont cependant inhérents à la vie conjugale. Recommander un bilan annuel ne conduit qu’à formaliser une pratique courante.

En suite de la formule de contrat, est donc proposée une formule de bilan (adaptée au cas d’acquisition par moitié de la résidence principale au moyen de revenus professionnels) dont les époux pourront s’inspirer en fonction de leur ressenti et de la complexité de leurs patrimoines.

Quels revenus prendre en considération ?

Concernant la communauté légale, l’article 1401 du Code civil prévoit que « la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. »

La proposition formulée, reposant sur une séparation des biens, opte pour une définition plus étroite des revenus à partager, ne retenant que les revenus du travail, c’est-à-dire les revenus résultant le plus directement de « l’industrie » des époux[8].

Deux idées directrices ont conduit à privilégier cette solution :

  • l’attention des futurs époux porte principalement sur l’équilibre de leurs efforts respectifs. Quand l’un travaille à la maison et l’autre en entreprise, quand l’un se préoccupe davantage des enfants tandis que l’autre assure plutôt des tâches ménagères, ils participent à une œuvre commune dont ils entendent profiter ensemble des résultats, notamment par un partage par moitié des bénéfices pécuniaires (seuls signes extérieurs d’une richesse plus complexe).
  • A l’inverse, les futurs époux considèrent le plus souvent que les fruits et revenus des biens personnels ont vocation à revenir au propriétaire du patrimoine dont ils sont issus. L’exemple de l’immeuble de rapport acquis avec l’aide d’un emprunt en offre une bonne illustration : les loyers paraissent naturellement destinés à la couverture des échéances bancaires incombant à son propriétaire.

La distinction entre revenus du travail et revenus du capital n’a cependant pas l’évidence qu’on lui prêterait a priori. Dans de nombreuses hypothèses, les revenus du capital naissent d’une exploitation, donc d’un travail.[9]

La formule proposée s’efforce de trouver un équilibre. Ses utilisateurs devront prendre garde à l’adapter à la situation précise des époux signataires. Y ont été assimilées à des revenus du travail, les prestations qui les remplacent (telles les indemnités de chômage) ou qui ne sont pas issus d’un patrimoine (telles les aides au logement ou les allocations familiales).

Quelle définition et quelle répartition des charges du mariage ?

Concernant le régime de la séparation des biens, de vifs débats sont intervenus à propos de la définition des charges du mariage et de la modulation des contributions des époux. Si l’ajustement participatif proposé ne nécessite pas d’y prendre une position originale, il reste préférable d’exposer clairement aux époux les mécanismes retenus.

1) Fondamentalement, la contribution aux charges du mariage est une source de financement des dépenses courantes, très largement entendues, allant des dépenses alimentaires à celles du train de vie. [10] De telles dépenses ne laissent pas de sédiment ayant vocation à renforcer petit à petit le patrimoine des époux.

En acceptant de qualifier de contribution aux charges du mariage des dépenses d’investissement relatives au logement, la jurisprudence paraît donc changer la nature de cette contribution et donner à l’article 214 du Code civil une portée non seulement économique mais également juridique qui n’était pas la sienne. En effet, si « c’est une chose de dire que les époux doivent financer le quotidien à hauteur de leurs revenus et ressources, et l’on comprend que ce soit le droit du mariage qui l’indique à tous les époux de façon générale, quel que soit leur régime matrimonial. […] c’en est une autre, bien différente, de donner la clé de répartition de mouvements financiers entre masses de biens, tâche qui incombe intégralement au droit des régimes matrimoniaux. » [11]

2) Sociologiquement, le remboursement d’un emprunt est une dépense récurrente qui entre dans le budget mensuel du couple en substitution d’un loyer. Face au banquier qui brandit la menace d’une saisie immobilière, on comprend bien que l’urgence puisse transformer en charge du mariage ce qui n’aurait dû n’être qu’une dépense d’investissement. Juridiquement cependant, une telle assimilation est embarrassante : elle tend à nier que des choix différents (entre séparation de biens et communauté, d’une part, et entre location ou acquisition, d’autre part), doivent avoir des conséquences différentes, alors même que ces choix se trouveraient avoir été malencontreux.

3) Une observation doctrinale récente permet une synthèse harmonieuse qui mérite la meilleure attention de la pratique. Elle consiste à souligner la double nature des charges du mariage : celle d’un passif provisoire s’appliquant aux rapports des époux avec leurs créanciers puis celle d’un passif définitif lorsqu’il s’agit d’évoquer « les règles de contribution à la dette, c’est-à-dire celles qui déterminent la répartition des dettes entre les membres du couple. »[12]

La prise en considération de cette double nature rétablit une cohérence juridique :

  • Au stade du régime primaire, l’obligation contributive aux charges du mariage n’est qu’une règle de passif provisoire, face à l’urgence du quotidien ;
  • Mais les paiements effectués dans ce cadre provisoire donnent lieu à des réajustements lors de la mise en œuvre des règles du régime matrimonial relatives au passif définitif.

4) Cet ajustement entre passif provisoire et passif définitif s’applique diversement selon les régimes. S’il est manifeste sous le régime légal de communauté d’acquêts[13], il peut également être mis en œuvre sous les régimes séparatistes, notamment parce que l’article 214 du Code civil fait de la contribution aux charges du mariage « une obligation impérative[14] soumise à la volonté des époux »[15].

Il faut cependant garder à l’esprit que l’obligation et la contribution, si elles interviennent successivement, ne peuvent que s’appliquer aux mêmes charges, à des charges pareillement définies. L’article 214 paraissant interdire une définition contractuelle des charges du mariage lors de l’obligation, le contrat ne peut pas davantage proposer une définition lors de la contribution : il ne peut qu’aménager les modalités de contribution. [16]

 

5) La formule proposée est inspirée de ces considérations. Elle vise d’abord l’article 214 du Code civil au titre du passif provisoire, telle une alerte face aux décisions judiciaires adoptant une vision extensive de la notion de charges du mariage et au fait que la jurisprudence et une partie de la doctrine semblent peu favorables à une définition conventionnelle des charges du mariage.[17]

La formule décrit ensuite les modalités des contributions définitives. Sans détailler les charges du mariage[18], elle prend soin de distinguer les dépenses de consommation (pour lesquelles la contribution renvoie aux facultés respectives des époux) des dépenses d’investissement (pour lesquelles la contribution renvoie aux parts acquises par chacun).

 

Concernant les dépenses de consommation, la formule prend le temps d’exposer les trois modalités de contribution définitive : l’apport en numéraire, l’apport en industrie et l’apport en jouissance[19], modalités complémentaires arbitrées par la notion de « facultés respectives » (que la formule choisit de ne pas écarter).

  • L’apport en industrie est une modalité incontournable, notamment pour parer à la survenance d’un épisode de chômage ou à la collaboration d’un époux à la profession de l’autre ainsi que pour prendre en compte l’activité au sein du foyer. C’est pourquoi une clause qui indiquerait que « les époux conviennent que la contribution aux charges du mariage s’effectuera au moyen de leurs revenus » semblerait inutilement restrictive, les prévisions initiales des époux étant fréquemment déjouées en cours d’union.
  • L’apport en numéraire est souvent le mode de contribution le plus important. Les époux auront à décider s’ils entendent recourir prioritairement à leurs revenus professionnels ou au contraires inclure dans les « facultés respectives » les revenus patrimoniaux perçus, voire potentiels[20].
  • L’apport en jouissance est fréquent, d’abord pour le mobilier meublant mais également pour le logement du ménage. C’est à ce niveau qu’il convient de distinguer la mise à disposition d’un bien (rattachée aux dépenses de biens consomptibles), du financement de ce bien (relevant des dépenses d’investissement). La diversité des situation pratiques montre l’intérêt de cette distinction du point de vue de la cohérence contractuelle :
      • Lorsque les époux ne sont pas propriétaires de leur logement, le paiement du loyer est incontestablement une contribution aux charges du mariage, par apport en deniers.
      • Lorsqu’un époux met à la disposition du ménage un logement dont le prix a déjà été entièrement payé, la contribution aux charges du mariage s’effectue indiscutablement par cet apport en jouissance (sur une base identique au paiement du loyer d’un logement équivalent).
      • Lorsque le bien aura été acquis par les deux époux, tous deux participeront aux charges du mariage à proportion de leurs droits de propriété sur l’immeuble (étant rappelé que la notion de « facultés respectives » pourra faire que l’époux n’ayant acquis - et donc mis à disposition - qu’une faible fraction de ce bien sera néanmoins réputé avoir supporté sa part de ces charges - plus faible que celle de son conjoint mais proportionnellement équivalente).
      • Mais lorsqu’un époux met à la disposition du ménage un logement financé à crédit, il devient nécessaire de poser que la contribution définitive aux charges du mariage comprend deux versants, l’un correspondant à la mise à disposition du bien (qui peut appeler une contrepartie du conjoint dans le cadre de l’appréciation des facultés respectives), l’autre correspondant à l’acquisition du bien (qui n’appelle aucune contrepartie de la part du conjoint, la contrepartie de l’investisseur étant la propriété du bien acquis[21]).

Ce faisant :

        • le montant de la contribution aux dépenses de consommation sera identique quel que soit le mode de détention, par achat, par bail, par l’intermédiaire d’une société ;
        • la distinction entre financement par revenus et financement par apport « de fonds personnels »[22] perdra toute portée, outre qu’elle était artificielle sous un régime séparatiste ne connaissant pas la distinction entre fonds propres et fonds communs.
        • une plus-value pourra tendre à revaloriser la contribution de l’époux propriétaire aux dépenses de consommation alors même que les échéances du crédit demeureraient fixes ou s’éteindraient.

La formule proposée tient compte de ces observations en se contentant de stipuler que « Concernant les charges du mariage correspondant à des dépenses d’investissement, chaque époux y contribuera à proportion de la part des biens concernés qu’il aura acquise, en tenant compte des apports en capitaux qu’il aura pu avoir effectués. »

Faut-il préciser la notion de « facultés respectives » ?

Une fois définies les modalités techniques de contribution aux charges du mariage, il est nécessaire prendre position quant au recours à la notion de « facultés respectives », qui n’est mentionnée par l’article 214 du Code civil qu’à titre supplétif.

Cette notion présente l’intérêt majeur d’une variable d’ajustement face aux aléas de la vie. Elle permet d’intégrer les modulations dont les époux seront inévitablement amenés à discuter en cours d’union, notamment dans le cadre de la définition de leur train de vie. Fondamentalement, elle exprime le fait que le couple marié n’est pas une entreprise dont les seuls critères d’ajustement seraient pécuniaires.[23]

La formule de séparation tempérée que nous proposons reste un ajustement du régime de la séparation de biens, dont les versions « pures et simples » n’excluent pour ainsi dire jamais le recours aux « facultés respectives ». Elle s’en tient à cette prudente sagesse[24], au titre de l’obligation provisoire et au titre de la contribution définitive aux charges courantes, considérant que la clause tempérant la séparation de biens devrait apaiser plutôt qu’exacerber les débats pécuniaires entre époux. Elle énonce cependant quelques principes directeurs – ajustables au cas par cas – pour faciliter aux futurs époux l’anticipation de situations différentes de celles qui sont les leurs au jour du mariage.

Faut-il prévoir une présomption de paiement au jour le jour ?

La répartition de l’ensemble des charges du mariage à hauteur des facultés respectives des époux a suscité plusieurs critiques, qui concernent tant le fond que la preuve. Les critiques de fond tiennent notamment à la difficulté de chiffrer certaines formes de participation aux charges du mariage.[25]

La pratique notariale a donc pris l’habitude d’insérer une clause de style destinée à tarir le contentieux lié à la contribution aux charges du mariage, par laquelle « chaque époux sera réputé avoir acquitté au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet. » Or, « cette solution s’avère particulièrement contestable, dès lors que la jurisprudence inclut dans les charges du mariage, outre les dépenses courantes, celles qui sont liées à l’acquisition du logement familial. »[26]

La formule proposée s’efforce de trouver un équilibre entre les embarras inhérents à la notion de facultés respectives et les contraintes d’une présomption de paiement. Principalement, elle limite le recours à la notion de facultés respectives en ne l’appliquant qu’aux dépenses de consommation. Toutefois, compte tenu de la stipulation d’une créance de participation annuelle coiffant la liquidation des contributions définitives à toutes les charges du mariage, elle abandonne la présomption de paiement au jour le jour des charges du mariage pour lui préférer une présomption de liquidation et de paiement concernant directement la créances de participation.

Anticipant le fait que les comptes entre époux pourraient se trouver ne pas être liquidés tous les ans, un délai de cinq ans a été suggéré pour le jeu de cette présomption.

Et un caractère simple a été retenu. En effet, la charge de la preuve incombant à l’époux qui voudrait combattre cette présomption sera déjà très lourde. Cet époux devra faire une synthèse non seulement des revenus professionnels mais aussi des contributions définitives aux charges du mariage, en tenant compte de la notion de « facultés respectives », économiquement imprécise.

Lorsqu’une créance de participation aura été arrêtée, d’accord entre les époux, il a semblé sage de retenir le principe de la suspension de la prescription des créances entre époux posé par l’article 2236 du Code civil[27].

Enfin, concernant l’action en liquidation des créances de participation s’ouvrant à la dissolution du régime, le délai de prescription de trois ans posé par l’article 1578, quatrième alinéa, a été retenu par analogie.

Ce contrat est-il proche d’un régime de communauté ?

En dépit de l’ajustement qu’il organise, ce contrat reste fondamentalement différent d’un régime de communauté. Un exemple le montrera facilement.

Deux époux adoptent le régime proposé. L’un achète seul, à crédit, le logement de la famille. Au terme de l’union, le crédit a été remboursé par l’époux acquéreur mais aucune épargne complémentaire n’a pu être constituée par le ménage, tandis que tous deux auront participé aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.

1°) Sous la communauté, le logement aurait été commun, sans récompense au profit de l’époux acquéreur, le conjoint du financeur bénéficiant à la fois d’un droit de propriété direct, de la présomption d’acquêts voire des dispositions relatives à l’attribution préférentielle.

2°) Avec l’ajustement proposé, le logement restera personnel à celui qui l’aura acquis. Mais les revenus professionnels dépensés pour le remboursement de l’emprunt immobilier auront donné lieu, chaque année, à une créance de répartition qui n’aura pas pu être réglée, faute de liquidités complémentaires. En fonction des précisions apportées par le contrat, ces créances annuelles pourront se cumuler et former une créance de participation finale (valorisée au nominal, ou comme une dette de valeur, ou indexée, avec ou sans intérêts) dont le montant total pourra se rapprocher de la valeur de la moitié du logement acquis. En cas de désaccord, le conjoint s’estimant créancier devra cependant établir que le financement des échéances de l’emprunt aura bien résulté de l’emploi de revenus professionnels et non pas d’autres revenus du conjoint propriétaire.

Dans un tel contexte familial, il est clair que l’adoption de la séparation tempérée conduira à conseiller aux époux de faire cette acquisition par moitié indivise.

Quel fondement juridique retenir ?

La notion d’avantage matrimonial a été pensée au regard du régime de la communauté d’acquêts, dans lequel les revenus professionnels des deux époux tombent immédiatement[28] dans la communauté, laquelle sera partagée suite à la dissolution de l’union.

L’application par la Cour de cassation de la notion d’avantage matrimonial au régime de la participation aux acquêts est indéniablement une ouverture : il est désormais admis que la qualification d’avantage matrimonial puisse concerner certaines créances entre époux séparés de biens. Sous ce second régime, la créance de participation se forme progressivement au cours de la vie maritale et devient exigible à la dissolution du régime.

Le mécanisme que nous proposons ajuste la participation aux acquêts en limitant les acquêts aux revenus professionnels ou assimilés et en organisant un paiement annuel de la participation, pour éviter la complexité d’une liquidation finale. Ce mécanisme débouche bien sur des profits procurés à l’un des époux « résultant du fonctionnement du régime matrimonial », et donc sur des avantages matrimoniaux et non sur une cascade de libéralités entre époux.[29]

Quelle serait l’incidence des actions en retranchement ou en réduction des avantages matrimoniaux ?

Dans le cadre d’une succession, la clause de répartition annuelle des revenus n’est pas sensible à l’action en retranchement des avantages matrimoniaux : elle ne fait que répartir par moitié[30] « des simples bénéfices » visés à l’article 1527, alinéa deuxième in fine, du Code civil.

Partant, cette clause devrait également rester hors de portée d’une action en révocation dans le cadre d’un divorce. La solution paraît incontestable concernant les créances déjà liquidées lors de la dissolution, s’agissant d’avantages matrimoniaux ayant pris effet « au cours du mariage ». Concernant les créances non liquidées (et pouvant encore être recherchées), la solution nous paraît devoir être la même :

  • Fondamentalement, il ne s’agit que de répartir par moitié « des simples bénéfices » ;
  • Accessoirement, il ne s’agit pas d’une attribution finale ne prenant effet « qu’à la dissolution du régime matrimonial » mais d’une dernière liquidation concernant un mécanisme prenant effet en cours d’union.

Pourrait-on prévoir des avantages matrimoniaux complémentaires pour le cas de dissolution par décès ?

La simplicité des mécanismes proposés interdit tout avantage matrimonial complémentaire au bénéfice du conjoint survivant. A défaut de masse commune, et vu le principe d’une répartition annuelle, le régime ne définit aucune assiette susceptible d’être concernée par un avantage matrimonial final.

Les époux qui souhaiteraient s’accorder une protection irrévocable complémentaire devront donc recourir aux donations par contrat de mariage visées à l’article 1093 du Code civil.

Faut-il prévoir des ajustements en cas d’acquisition d’un outil de travail ?

Des formules se rencontrent qui tendent à tempérer la séparation de biens en fondant la répartition annuelle des revenus sur une modulation de la contribution aux charges du mariage[31]. Certaines de ces formules se sont inquiété de ménager l’époux créateur ou acquéreur d’une entreprise[32], s’agissant d’un outil de travail ayant vocation à produire les revenus professionnels ultérieurement partagés.

L’ajustement ici proposé reposant notamment sur une distinction entre l’apport en jouissance d’un bien pour faire face aux charges du mariage et le financement de l’acquisition du bien ainsi apporté, il a semblé cohérent de ne pas prévoir d’exception concernant le financement de l’acquisition d’un outil de travail. Cependant, les époux pourront décider, en cours d’union, de différer le règlement d’une créance de participation pour tenir compte de la décision d’investissement professionnel qui aura été la leur.

Les revenus des époux pourraient-ils être indivis de plein droit ?

En posant la règle aux termes de laquelle « chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage », l’article 223 du Code civil invite à ménager la liberté de chaque époux. D’où notamment la possibilité pour tout époux de verser ses revenus sur un compte bancaire à son seul nom, compte dont il sera réputé, à l’égard du dépositaire, avoir la libre disposition, par application des dispositions de l’article 221 du Code civil.

S’il pourra être commode que les époux fassent verser les revenus du travail sur un compte joint, il convient de prendre garde de ne pas imposer contractuellement un tel versement. En effet, cela reviendrait à imposer à chaque conjoint de mettre ses gains et salaires à la libre disposition de l’autre, en contradiction avec les dispositions impératives du régime primaire.

A quel moment la créance de répartition devient-elle exigible ?

En présence de revenus et de dépenses stables, et de versement des revenus de travail sur le compte joint finançant les charges du mariage (voire les investissements réalisés par moitié), la question sera de peu de portée pratique, les époux pouvant se contenter de prélever régulièrement et concomitamment les fonds disponibles. La répartition focalisant sur les disponibilités plutôt que sur les revenus versés par chacun, le régime n’impose aucunement de savoir lequel des époux aura, au fil des ans, davantage tiré parti de la clause de répartition.

Lorsque la situation sera plus complexe, notamment par défaut de compte joint centralisateur, les époux auront à s’imposer des comptes ménagers. Il sera bon que le contrat prévoit deux bornes :

  • L’une, en amont, précisant quand la créance de répartition deviendra exigible (nous proposons un semestre après la fin de l’année civile en cause, pour permettre à chacun de prendre le temps de faire le point sur sa propre situation) ;
  • L’autre, en aval, posant une présomption simple de règlement naissant cinq ans après l’année civile concernée. En effet, aucune présomption de paiement au jour le jour des charges du mariage ne peut être stipulée, un règlement non proportionnel de ces charges débouchant sur un ajustement de la créance de participation. Mais passé un délai raisonnable[33], un mécanisme de présomption de paiement redevient pertinent, considérant que le régime proposé est d’abord séparatiste et que le souci de simplification qui l’anime doit tendre à limiter la création entre époux de trains de dettes virtuelles non chiffrées.[34]

 

Cmment envisager le recouvrement d’une créance de répartition entre époux ?

« L’absence de régime spécifique traduit la soumission des créances entre époux au droit commun des obligations. »[35] Par suite :

  • les créances et les dettes entre époux ne sont pas les éléments d’un compte indivisible et chaque dette peut être réglée isolément (sous réserve de la compensation entre dettes et créances réciproques, lorsque sont réunies les conditions ordinaires de la compensation) ;
  • les créances entre époux peuvent être réglées, pendant le fonctionnement même du régime, soit sur entente, soit sur poursuite, sans attendre la dissolution du régime.[36]

 

Lorsque le régime fonctionnera paisiblement, le prélèvement régulier par chacun de sa part des revenus disponibles figurant sur le compte joint recueillant leurs rémunérations, ou le paiement, sitôt les comptes annuels faits, de la dette de répartition écartera toute difficulté de mise en œuvre.

A défaut, une première règle est simple à poser : les intérêts ne courront qu’à compter d’une sommation (par souci de simplification, et pour faciliter d’éventuelles compensation d’une année sur l’autre). [37]

Mais une seconde situation nécessite de proposer une alternative. Lorsque la créance n’aura pu être payée du fait que les disponibilités nécessaires auront été employées par l’époux débiteur pour financer un investissement personnel, l’hésitation sera permise entre deux mécanismes de valorisation des créances impayées : la dette de valeur ou l’indexation. [38]

  • Un mécanisme de dette de valeur conviendra lorsque la situation patrimoniale des époux débouchera sur des créances de montants comparables d’une année sur l’autre : l’époux qui aura acquis seul un bien immobilier, sans pouvoir faire face au paiement annuel de sa dette de participation tant que durera son emprunt bancaire, se retrouvera, in fine, devoir à son conjoint une dette ayant évolué en fonction de la valeur de ce bien.
  • Par contre, lorsque les impayés seront moins prévisibles (par exemple une année sur deux) le mécanisme de la dette de valeur ne sera guère satisfaisant.

En effet, chaque créance annuelle aurait logiquement vocation à être calculée à partir de la valeur du bien de référence au jour de la naissance de cette créance annuelle (et non de sa valeur au jour de son achat), imposant ainsi des estimations annuelles du bien de référence.[39] Le recours à un indice permettra d’éviter cette difficulté et celle de la valorisation des améliorations ou dégradations intermédiaires. [40] Mais ce sera au prix d’une moindre équivalence entre la dépense faite et le profit retiré par l’investisseur.

Des tiers pourront-ils exercer l’action en paiement d’une dette de répartition ?

Par analogie avec les dispositions du deuxième alinéa de l’article 1569 du Code civil, disposant que le droit de participer aux acquêts est incessible tant que le régime matrimonial n’est pas dissous, il est proposé de distinguer selon les situations :

  • Dès que la créance de répartition aura été payée, son montant sera saisissable dans le patrimoine de l’époux créancier, conformément au droit commun.
  • Tant que la créance de répartition n’aura pas été payée, les tiers ne bénéficieront d’aucune action en paiement contre le conjoint débiteur, sauf action en paiement déjà intentée par le conjoint créancier. En effet, la liquidation de la créance annuel fait intervenir des considérations purement matrimoniales, telle l’appréciation du train de vie du ménage et la participation aux charges du mariage. Et il convient que le régime proposé demeure un régime essentiellement séparatiste.

En pratique…

Cette proposition de séparation de biens tempérée comporte des éléments de complexité : étant moins pure, elle est moins simple. Mais il ne faut pas s’en alarmer outre mesure : les difficultés que pourront soulever la liquidation et le paiement de ses créances de participation ne seront pas supérieures aux embarras des régimes proposés par le Code civil – elles seront moindres une fois qu’on les aura envisagées avec un même niveau de paresseuse habitude[41]. L’essentiel devrait donc ressortir rapidement : de très nombreux époux séparés de biens pratiquent déjà, au jour le jour, cette confusion de leurs ressources. A défaut d’un contrat adapté, ils le font au risque de s’attirer les foudres de leurs créanciers, du fisc ou d’un conjoint devenu moins aimable. L’adoption d’une séparation de biens tempérée tendra à sécuriser cette pratique courante : là est sa dynamique.

 

[1] F. Rouvière, Les multiples facettes de la séparation de biens avec société d’acquêts, Defrénois 30 juin 2006, 38413, § 2 : « La raison qui pourrait expliquer la difficulté à promouvoir [le régime de la participation aux acquêts] serait le cloisonnement trop strict entre indépendance et association des intérêts. En d’autres termes, la césure chronologique paraît trop accusée, en ce sens que le régime est séparatiste durant son fonctionnement et associatif au moment de la liquidation. »

[2] Pour une formule limitée s’inspirant de ces considérations, F. Rouvière, art. cit., troisième formule.

[3] Cf. infra, « A qui s’adresse cette proposition ? »

[4] Cass. 1re civ., 18 déc. 2019, n° 18-26.337 : JurisData n° 2019-023658 ; très commenté (cf. B. Beignier, Avantages matrimoniaux et participation aux acquêts : nouveaux enseignements, nouvelles pratiques : JCP N 2020, n° 24, 1129, et les références citées), ayant confirmé l’éligibilité d’un régime séparatiste aux avantages matrimoniaux.

[5] En France, cependant que d’autres pays, telle la Belgique, taxent les transmission entre époux, qu’elles résultent de dispositions successorales ou matrimoniales.

[6] Cf. Fanny Lederlin, Travail dit "indépendant" : un inquiétant idéal, Etudes, mai 2021.

[7] D’où la réaction du professeur Séverine Cabrillac, Boule de neige, Defrénois 7 avril 2022, n° 14, DEF206y5 : l’inégalité de patrimoine entre les hommes et les femmes augmente par le jeu du droit patrimonial de la famille, notamment de par « le recul de la communauté légale sous l’effet cumulé de la baisse des mariages et des remariages en séparation. »

[8] Dans une optique différente, N. Couzigou-Suhas, Séparation de biens : convention des futurs époux en matière de contribution aux charges du mariage, Defrénois 21 oct. 2021, n° 43 : « … Les époux conviennent que la contribution aux charges du mariage s’effectuera au moyen de leurs revenus, à l’exclusion des deniers qui seraient qualifiés de propres sous le régime de la communauté réduite aux acquêts. »

[9] Colomer, Régimes matrimoniaux, Litec 5ème édition 1992, § 183 s.

[10] Terré et Simler, Les régimes matrimoniaux, Dalloz 5ème éd. 2008, n° 51 : « il ne faut pas s’en tenir à l’existence de dépenses nécessaires. Sont aussi des charges du mariage les dépenses ayant pour objet l’agrément de la vie ou l’aménagement de son cadre. »

[11] J. Casey, Les acquisitions immobilières, la contribution aux charges du ménage et les régimes matrimoniaux, AJ fam. 2015, p. 324.

[12] Marion Cottet, La double nature de l’obligation de contribuer aux charges du mariage, RTD civ. 2021, p. 1.

[13] M. Cottet, art. cit., § 6 : « dans les régimes communautaires, la répartition du passif définitif s’opère sans considération du point de savoir si la dette en cause relève, ou non, des charges du mariage. […] le passif définitif se classe en deux catégories : celles des dettes communes, devant peser à titre définitif sur la masse des biens communs, et celle des dettes propres, devant peser à titre définitif sur l’une des masses de biens propres. L’affectation d’une dette à l’une ou l’autre de ces catégories dépend, pour l’essentiel, du critère du profit retiré. » A. Tisserand-Martin, La contribution aux charges du mariage, mécanisme régulateur du régime matrimonial, Mélanges Champenois, Defrénois 2012, p. 805 : « en régime communautaire, la contribution aux charges du mariage est par excellence une dette commune à titre définitif. »

[14] Une stipulation qui supprimerait toute contribution à la charge d’un époux ne saurait être admise, car portant atteinte à l’existence même d’une obligation impérative associée au mariage.

[15] A. Tisserand-Martin, art. cit., p. 808.

[16] Semble incertaine l’observation selon laquelle « En permettant aux époux d’intervenir sur les fonds relevant de l’exécution de la contribution, on les autorise, indirectement, à délimiter ce qui relève des charges du mariage. » (D. Sadi, Droit de la famille, septembre 2022, n° 9, comm. 126). En effet, on ne peut admettre un ajustement de la délimitation des charges au niveau de la contribution sans se heurter aux conséquences qu’il conviendrait d’en tirer au niveau de l’obligation, vraisemblablement d’ordre public.

[17] 118èmes Congrès des notaires de France, n° 30124 ; Q. Guiguet-Schielé et L. Leroy, Le logement et les couples mariés pendant l’union, DEF 8 septembre 2022, DEF209j0, estimant que la dimension supplétive de l’article 214 du Code civil est surestimée par la pratique notariale et la jurisprudence et attirant l’attention sur le danger d’affaiblir le mariage dans sa dimension institutionnelle.

[18] Considérant que la difficulté majeure est résolue en posant que les dépenses d’investissement doivent être définitivement supportées par les investisseurs. Ce qui correspond à une option très différente de celle souhaitée par J. Casey, art. cit. : « affirmer nettement que le logement de la famille, parce qu’il constitue une dépense nécessaire, vitale et basique pour toute la famille ne peut donner lieu à l’établissement de comptes, sauf cas particulier. » Différence toutefois tempérée par la clause de répartition annuelle des revenus professionnels.

[19] Terré et Simler, op. cit., n° 57, qui évoquent, par analogie avec le droit des sociétés, un apport « en nature », que nous préférons reformuler en apport en jouissance, l’époux propriétaire d’un bien mis à la disposition du ménage en conservant la propriété et pouvant en retrouver la jouissance, par exemple en cas de mise en location d’un bien qui avait servis de logement familial ; J. Casey, art. cit. visant un époux « qui exécute son obligation de contribuer aux charges du mariage en logeant la famille » en mettant un logement propre à la disposition de la communauté.

[20] La distinction entre produits de capitalisation s’accroissant par plus-values et produits de distribution étant souvent artificielle concernant les facultés contributives des époux.

[21] Les commentaires relatifs à la contribution aux charges issues de l’acquisition de la résidence principale présupposent souvent que ce bien aura été acquis par moitié. Or la pratique notariale s’est écartée de ce schéma et tend à ajuster les parts acquises par chacun en fonction d’une anticipation de financement. Financer à deux un bien acquis par moitiés indivises n’a pas la même portée que financer à deux un bien acquis par portions inégales…

[22] Cass. 1re civ., 9 juin 2022, n° 20-21.277 : JurisData n° 2022-009157, D. Sadi, Droit de la famille, septembre 2022, n° 9, comm. 126 : « L’apport de fonds personnels d’un époux en séparation de biens, dans l’acquisition d’un logement de famille indivis ou l’amélioration d’un logement à usage familial indivis, n’est pas un mode de contribution aux charges du mariage. »

[23] Il convient de remarquer que le régime de communauté légale ne fait pas appel à la notion de facultés respectives, s’attachant seulement à distinguer financement propre et financement commun. Or, ce qui semble équilibré dans un régime où la communauté a la jouissance des biens propres pourrait devenir injuste en présence d’une clause conservant propres les revenus des biens propres. Ce qui invite à suggérer que les clauses de cette nature soient complétées par des ajustements concernant la contribution aux charges du mariage.

[24] Cf. A. Tisserand-Martin, art. cit., p. 810, qui souligne qu’une clause qui remplacerait une répartition proportionnelle aux ressources par une répartition mathématique (égalitaire ou non) serait vraisemblablement inopportune, d’une part « du fait qu’il serait extrêmement délicat d’anticiper les conséquences concrètes » lors de la confection du contrat de mariage et, d’autre part, du fait qu’en apportant une illusion de précision, elle favoriserait « les calculs de boutiquiers ».

[25] M. Cottet, art. cit., § 17 : « De fait, l’obligation de contribuer aux charges du mariage est utilisée comme règle de répartition du passif définitif alors même que son domaine s’étend à des prestations non monétaires. […] Il est alors particulièrement délicat d’apprécier les facultés respectives des époux en tenant compte de l’ensemble de ces éléments non monétaires et, corrélativement, de déterminer si un époux a sur-contribué ou sous-contribué aux charges du mariage. »

[26] M. Cottet, art. cit., § 18.

[27] Qui semblent d’ordre public, l’article 2254 du Code civil, permettant des aménagements conventionnels de la prescription, ne visant que les clauses ajoutant aux causes de suspension de la prescription.

[28] 118ème Congrès des notaires, n° 30026.

[29] JCP Ingénierie du patrimoine, V° Avantages matrimoniaux : approche pratique, Fasc. 560, § 7 s. B. Beignier, Qu’est-ce qu’un avantage matrimonial, Mélanges Oppetit, Litec 2010 : « L’avantage matrimonial est la part d’enrichissement, variable, dont bénéficie un époux grâce à l’autre et par la volonté du couple de vivre pleinement la communauté de vie. »

[30] On pourrait théoriquement envisager une clause de répartition des revenus résiduels prévoyant une attribution unilatérale (« … la totalité reviendra à l’époux 1, dépourvu de patrimoine au jour du mariage ») ou inégalitaire, qui déboucherait sur des avantages matrimoniaux retranchables. Une telle clause nous semble inopportune, pouvant difficilement donner lieu à des anticipations claires au jour du contrat.

[31] Ces formules nous semblent insatisfaisantes dans la mesure où elles répondent par une modulation des dépenses à une question concernant directement la répartition des ressources.

[32] En excluant du calcul de la contribution aux charges du mariage « la partie de ces revenus qui viendrait à être affectée au financement de 1'achat, de l’amélioration ou du fonctionnement d’un outil de travail dont l'époux intéressé tire un revenu professionnel. »

[33] Nous proposons cinq ans par analogie avec les dispositions de l’article 1540, al. 2, du Code civil

[34] Jadis la suspension de la prescription entre époux tendait à éviter que, par leur inaction, les époux pussent se servir de la prescription pour se consentir de manière détournée des donations irrévocables contrairement à l'ancienne prohibition de l'article 1096 du Code civil (JurisClasseur Notarial Répertoire V° Prescription - Fasc. 20 Suspension de la prescription, § 28). Ici, l’effet de la clause sera plutôt d’empêcher la création d’un avantage en rendant malaisées les recherches tardives.

[35] G. Cornu, Les régimes matrimoniaux, 2ème éd. PUF 1977, p. 540.

[36] Civ. 1ère , 26 septembre 2012, Bull. civ. I, n° 143 : « Le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage. Dès lors, ayant liquidé les créances du mari à l'encontre de son épouse au titre des deniers ayant servi au financement de l'acquisition des immeubles personnels à celle-ci, c'est à bon droit qu'une cour d'appel condamne l'épouse au paiement des sommes dont elle était débitrice envers son conjoint. »

[37] Par analogie avec les dispositions du premier alinéa de l’article 1479 du Code civil.

[38] L’article 1479 n’étant applicable qu’à défaut de convention contraire, Civ. 1ère, 20 février 1996, D. 1996. Somm. 392, obs. Grimaldi.

[39] Une question de même nature a été posée à l’occasion du remboursement par un ex-époux, pendant l’indivision post-communautaire, du solde du crédit immobilier souscrit en cours d’union : sa créance sur l’indivision devait-elle être calculée en fonction de la valeur du bien financé au jour du début de l’amortissement de cet emprunt ou de la valeur au jour de la naissance de l’indivision par dissolution du mariage ? La Cour de cassation a cru devoir retenir le jour du début de l’amortissement, faisant ainsi bénéficier l’ex-époux d’une forte revalorisation de la dépense faite alors que l’indivision aura duré peu de temps ! Cass. 1ère civ.,1er février 2017, n° 16-11599, Defrénois 2018, n° 12, 134k4, note G. Champenois et I. Dauriac, spéc. p. 19, qui admet, à notre sens de manière également contestable, d’étendre cette solution concernant un bien acquis avant mariage mais dont le crédit aura été soldé en cours d’union, en proposant de retenir la valeur initiale du bien et non la valeur au jour du mariage.

[40] L’indexation « sur la variation moyenne de l’indice général des prix à la consommation des Etats contractants » a été retenue par le régime franco-allemand optionnel de la participation aux acquêts, art. 9.

[41] Cf. J. Casey, art. cit., évoquant « un masque traditionnel, accepté, mais un masque tout de même. »