« Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union, sauf volonté contraire de l'époux qui les a consentis. Cette volonté est exprimée dans la convention matrimoniale ou constatée dans la convention signée par les époux et contresignée par les avocats ou par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l'avantage ou la disposition maintenus. »
Dans notre brève du 25 mars, faisant suite à l’adoption par le Sénat du texte finalement repris dans la loi, nous déclarions avec optimisme : « Se trouvent ainsi sauvée notamment les clauses de plafonnement ou de minoration de la créance de participation et les clauses portant sur des biens non professionnels, tels les contrats d’assurance-vie. »
Est-ce à dire que le régime de la participation aux acquêts est désormais relancé ? non pas ! Car par un arrêt du 13 décembre 2023 (concernant les mêmes époux que celui du 18 décembre 2019 ayant motivé la modification législative de l’article 265 !) la 1ere chambre civile de la Cour de cassation a décidé que la plus-value d’un bien professionnel originaire liée à l’activité de l’époux propriétaire n’est pas comprise dans le patrimoine originaire et complète donc les acquêts donnant lieu à participation.
Il est peu de dire que cette décision a été très diversement commentée.
Pour certains cet arrêt modifierait en effet en profondeur la philosophie du régime participatif : il ne s'agirait plus désormais de participer aux acquêts, mais de participer à l'enrichissement global du conjoint. Ce qui ferait paradoxalement de ce régime retenant une logique séparatiste pendant l'union, un régime original, nettement plus communautaire que le régime légal.
Selon ces auteurs, il y aurait désormais un risque majeur à adopter ou à conseiller un tel régime participatif à de futurs époux. Et il serait préférable de recommander à ceux qui ont déjà fait ce choix, un changement de régime au profit d'une séparation de biens !
D’autres auteurs toutefois admettent que cet arrêt n’aurait rien de novateur du point de vue des textes mais soulignerait seulement une différence fondamentale entre récompense et créance de participation.
A l’inverse de la communauté, la participation aux acquêts ne se préoccuperait pas de la distinction entre bien commun et bien propre, l’amélioration pouvant être une valeur indépendante du bien amélioré. Les « acquêts nets » visés par l’article 1574 pourraient ainsi « être dissociés des biens dont ils sont pourtant l’accessoire, précisément parce que le régime matrimonial s’intéresse à ces ‘’ acquêts ‘‘ non pas en tant qu’objet, mais en tant que valeur nouvelle. »
L’attractivité de la participation aux acquêts passerait alors par une meilleure compréhension de ce régime. Il suffirait de le conseiller à propos, en déterminant plus précisément le degré de collaboration souhaité par les futurs époux.
Face à ce vif débat, l’ajustement récent de l’article 265 du Code civil est bienvenu, en espérant toutefois que les juges ne seront pas trop sévères pour considérer que la volonté des époux de ne pas révoquer les avantages matrimoniaux liquidatifs en cas de divorce peut résulter de la construction même de leur contrat de mariage, sans adjonction d’une affirmation spécifique.
Reste cependant, lors d’une succession en présence d’enfant d’une autre union, la question des modalités de l’action en retranchement des avantages matrimoniaux. Car souligner une différence structurelle de résultat entre la participation aux acquêts et la communauté légale, pose la question de la qualification juridique de cette différence : les modalités légales du régime de la participation aux acquêts peuvent-elles déboucher sur des avantages matrimoniaux retranchables ?
Une réponse affirmative susciterait de redoutables difficultés pratiques lors du règlement de la succession du conjoint désavantagé. En effet, l’avantage matrimonial détecté devrait être ajouté à la masse de calcul de la quotité disponible puis imputé à la date du mariage, d’où des conséquences imprévisibles sur les libéralités, qui seront le plus souvent de rangs postérieurs.
Nous tenterons prochainement de proposer une solution fonctionnelle à cette importante question.