I - Il est dangereux de comparer les résultats de deux régimes matrimoniaux faisant appel à des mécanismes différents

Notaire contrat de mariage Lille Métropole
15 septembre 2024
Comme tout principe, celui de la liberté des conventions matrimoniales supporte des exceptions. L’une d’elles résulte de l’action en retranchement des avantages matrimoniaux : les enfants qui ne sont pas issus des deux époux peuvent vérifier que les avantages accordés par leur auteur ne dépassent pas certaines limites.

Cette vérification est communément pratiquée par une comparaison entre les résultats chiffrés du contrat de mariage en cause et les résultats d’une communauté légale. Or le recours à une telle comparaison semble avoir conduit la pratique à restreindre considérablement le champ des possibles en matière de contrat de mariage.

Nous pensons que c’est bien à tort, à partir de trois considérations complémentaires :

  • Il est oiseux de comparer les résultats chiffrés de deux régimes matrimoniaux sans prendre en considérations la portée de leurs mécanismes respectifs ;
  • La protection des héritiers réservataires est bien moins forte qu’on ne le croit souvent ;
  • Le régime de la communauté légale n’est pas la référence imposée par le Code civil pour évaluer l’importance des avantages matrimoniaux.

Commençons la démonstration par deux exemples chiffrés.

Premier exemple :

Soit une riche avocate épousant un artiste méconnu ayant un enfant d’une première union. 

1ère hypothèse : elle signe un contrat de communauté d’acquêts, avec une clause prévoyant qu’elle recevra les trois quarts des biens communs en cas de dissolution, par décès comme par divorce.

2nde hypothèse : elle signe un contrat de participation aux acquêts, avec une clause stipulant que le taux de la créance de participation sera d’un quart du surplus d’acquêts et non pas de moitié comme le prévoit par défaut la proposition légale.

Au jour du décès accidentel de l’époux, les acquêts se montent à un million d’euros. Ils sont exclusivement issus de l’activité et du patrimoine de l’épouse, l’époux n’ayant pu économiser au-delà de sa participation aux charges du mariage.

 

En apparence, les deux contrats débouchent sur les mêmes résultats comptables : l’épouse conserverait trois quarts des acquêts, la succession de l’époux ne recevant qu’un quart de ceux-ci (soit 250.000 € mais à deux titres très différents : un quart des acquêts communs sous le régime communautaire ; une créance représentant un quart du surplus d’enrichissement du conjoint survivant sous le régime participatif).

Sous le régime de la communauté, l’enfant du défunt pourra facilement prétendre que l’épouse survivante a bénéficié d’un important avantage matrimonial, en recevant non pas la moitié mais les trois quarts des acquêts communs.

L’épouse aura beau faire valoir qu’elle est économiquement à l’origine de tous les acquêts, qu’elle aurait pu conserver tous ses gains sous un régime de la séparation des biens, que le défunt s’est néanmoins trouvé enrichi par son mariage, elle ne pourra écarter cette évidence : son régime matrimonial ne contenant aucune clause mesurant l’origine des acquêts, et les acquêts de communauté formant un tout homogène, le fait d’en recevoir plus de la moitié constituera inévitablement pour elle un avantage matrimonial.

Au contraire, sous le régime de la participation aux acquêts, les acquêts ne sont aucunement communs. Au jour du décès, les règles de liquidation du régime matrimonial établiront indiscutablement que l’épouse est propriétaire de la totalité des acquêts. Sa dette de participation représentant un quart des acquêts qu’elle aura économisés sera clairement un avantage matrimonial pour le défunt.

Logiquement, elle devrait donc pouvoir conserver les trois quarts de surplus.

Dans un prochain blog, un second exemple illustrera d’une autre manière que les dispositions juridiques des contrats de mariage ne sont pas moins importantes que leurs résultats économiques pour en apprécier la portée effective.

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