En l’an 2000, le conjoint était passible des droits de succession. Pour éviter cet impôt, les époux devaient s’y prendre à l’avance et recourir aux avantages matrimoniaux, très souvent par changement de régime matrimonial. Mais seul un partage par moitié des bénéfices accumulés au fil des jours leur apportait la certitude d’une transmission en franchise de droits. Autrement dit, il fallait du temps pour écarter l’impôt.
Depuis 2007, le conjoint et le partenaire sont totalement exonérés de droits de succession. Et cette exonération peut être acquise ou détruite sur l’instant. Il suffit d’entrer à deux chez un notaire pour en ressortir pacsé, légataire universel et potentiellement exonéré. Il suffit de changer son testament en douce ou d’envoyer l’huissier au partenaire pour supprimer cet avantage.
En une demie génération, une conception de la famille supposant des équilibres de long terme s’est trouvée chassée des nouveaux textes au profit de ce qui passerait pour de l’impulsivité en droit de la consommation.
Ainsi, même pour les ménages les plus paisibles, l’enchaînement de mécanismes juridiques anciens et récents peut être explosif. Les très classiques donations ou legs entre époux de tous les biens existant au décès illustrent bien ce danger.
1 – En effet, une telle disposition de tous les biens restant au défunt n’est limitée que par l’action en réduction des enfants.
2 - Naguère, cette action permettait aux enfants d’exiger une part des biens du défunt, ce qui suffisait pour faire reposer l’équilibre successoral sur un démembrement de propriété ou une indivision avec le conjoint.
3 – Depuis la réforme de 2006, les enfants ne sont plus titulaires que d’une réserve en valeur. Leur action en réduction est bornée au paiement d’une indemnité, sans attribution de biens.
4 – Cet affaiblissement du pouvoir des enfants est d’une portée considérable. En présence d’une libéralité de portée universelle, c’est l’ensemble de la part des enfants qui se transforme en un simple chèque.
5 – Cette évolution mérite l’attention de chacun : une disposition successorale doit être interprétée et appliquée en fonction non pas de la loi du jour de sa rédaction mais de la loi du jour du décès. De très nombreuses dispositions entre époux anciennes ont donc totalement changé de portée.
En cas de conflit, le rapport de force sera très défavorable aux enfants : soumis à la pression du fisc avant même d’avoir été payés, ils se trouveront face à un conjoint libre de la contrainte fiscale et propriétaire des biens successoraux.
Dorénavant, l’anticipation successorale suppose de relire sous ce nouvel éclairage les dispositions entre conjoints et les clauses d’agrément statutaires. Faute de quoi le veuf en secondes noces ou le partenaire pourront conserver, alors qu’on n’y pensait pas, les biens venant du grand-père et la majorité à l’assemblée générale.