code civil documenté

Charges du mariage : comment préserver la séparation de biens

Solution notaire hebdo, 9 mars 2023, n° 8, inf. 10, par Nicolas Duchange

Le renforcement de la jurisprudence qualifiant de charges du mariage certaines dépenses d’investissement suscite de vifs débats.

Pour qui cherche à préserver une franche séparation de biens entre époux, il semble préférable de préciser l’importance et les modalités des contributions de chaque époux plutôt que de retoucher le contour des charges du mariage. A cet effet, la distinction entre l’obligation (passif provisoire) et la contribution (passif définitif) aux charges du mariage n’a pas été suffisamment exploitée. D’où l’idée de proposer une clause s’attachant à en tirer un meilleur parti – et de montrer par là qu’il ne semble pas nécessaire de lancer un nouvel appel au législateur.

Extrait révélateur du contenu de l'article

[...] 7. Concernant les dépenses de consommation, la clause prend le temps d’exposer les trois modalités de contribution définitive : l’apport en numéraire, l’apport en industrie et l’apport en jouissance, modalités complémentaires arbitrées par la notion de « facultés respectives » (que la clause choisit de ne pas écarter).

L’apport en industrie est une modalité incontournable, notamment pour parer à la survenance d’un épisode de chômage ou à la collaboration d’un époux à la profession de l’autre ainsi que pour prendre en compte l’activité de l’un des époux au sein du foyer.

L’apport en numéraire est souvent le mode de contribution le plus important. Les époux auront à décider s’ils entendent recourir prioritairement à leurs revenus professionnels ou au contraire inclure dans les « facultés respectives » les revenus patrimoniaux perçus, voire potentiels.

L’apport en jouissance est fréquent, d’abord pour le mobilier meublant mais également pour le logement du ménage. C’est à ce niveau qu’il convient de distinguer la mise à disposition d’un bien (rattachée aux dépenses de biens consomptibles, autrement dit de consommation), du financement de ce bien (relevant des dépenses d’investissement). La diversité des situations pratiques montre l’intérêt de cette distinction du point de vue de la cohérence contractuelle.

Ainsi, lorsque les époux ne sont pas propriétaires de leur logement, le paiement du loyer est incontestablement une contribution aux charges du mariage, par apport en deniers. Lorsqu’un époux met à la disposition du ménage un logement dont le prix a déjà été payé, la contribution aux charges du mariage s’effectue indiscutablement par cet apport en jouissance (sur une base identique au paiement d’un loyer). Enfin, quand le bien aura été acquis par les deux époux, tous deux participeront aux charges du mariage à proportion de leurs droits sur l’immeuble (étant rappelé que la notion de « facultés respectives » pourra faire que l’époux n’ayant acquis - et donc mis à disposition - qu’une faible fraction de ce bien sera néanmoins réputé avoir supporté sa part de ces charges - plus faible que celle de son conjoint mais proportionnellement équivalente).

Mais lorsqu’un époux met à la disposition du ménage un logement financé à crédit, il faut souligner que la contribution définitive aux charges du mariage comprend deux versants, l’un correspondant à la mise à disposition du bien (qui peut appeler une contrepartie du conjoint dans le cadre de l’appréciation des facultés respectives), l’autre correspondant à l’acquisition du bien (qui n’appelle aucune contrepartie de la part du conjoint, la contrepartie de l’investisseur étant la propriété du bien acquis).

Ce faisant :

- le montant de la contribution aux dépenses de consommation sera identique quel que soit le mode de détention, par achat, par bail, par l’intermédiaire d’une société ;

- la distinction entre financement par revenus et financement par apport « de fonds personnels » perdra toute portée, outre qu’elle était artificielle sous un régime séparatiste ;

- une plus-value pourra tendre à revaloriser la contribution de l’époux propriétaire aux dépenses de consommation alors même que les échéances du crédit demeureraient fixes ou s’éteindraient. [...]

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